Astuces écolo

Analyse du cycle de vie et écologie

Aujourd’hui c’est un article de la série construction écologique. Et plus précisément, cet article porte sur un outil au service de la construction écologique, qui s’applique à tous les autres secteurs : l’analyse de cycle du vie (ACV). Le but de cet article est donc de vous donner compréhension d’un outil permettant de justifier le caractère réellement écologique d’un produit ou d’un projet, ou au contraire d’en pointer la défaillance.

Analyse du cycle de vie : définition et utilité

Commençons par la base : qu’est-ce qu’un cycle de vie et pourquoi est-ce primordial de maitriser cette notion dans le cadre de la transition écologique, tous secteurs confondus ?

Ne réinventons pas ici des définitions très bien faites (ADEME) : « L’analyse du cycle de vie (ACV) recense et quantifie, tout au long de la vie des produits, les flux physiques de matière et d’énergie associés aux activités humaines. »

Pour en faire une définition plus explicite, raisonner en cycle de vie, c’est comptabiliser l’ensemble des impacts liés au produit ou au service proposé, de l’extraction des matières premières, jusqu’au recyclage, fin du produit ou du service.

Une image valant mille mots (Confucius) ci-dessous une représentation graphique de ce qu’est un cycle de vie.

Vous comprendrez donc que l’idée du cycle de vie est de ne rien laisser de côté en terme d’impact. Un des constitutif de la notion de cycle de vie est celui de bilan carbone. C’est à dire de regarder tout au long du cycle de vie les émissions carbone liées à cette chaine et c’est le focus de cet article.

Cependant, ce graphique a beau être très explicite, il soulève quelques questions. Prenons un exemple, le béton. Le béton utilisé sur le chantier va faire appel à plusieurs matières premières : eau, granulats ( petits fragments de roche) et ciment. Le plus polluant là-dedans, c’est le ciment. C’est d’ailleurs la fabrication du ciment qui pose problème dans le béton en terme d’impact. Ce ciment possède donc son propre cycle de vie calqué sur le schéma ci-dessus. D’après ce schéma, doit-on prendre en compte le cycle de vie propre du ciment pour ensuite retourner à celui du béton ? On se retrouve vite pour un produit complexe à jouer aux poupées russes en remontant la chaine des matières premières. Un autre exemple, une voiture. Produit actuel de la vie de tout les jours, elle est constituée elle-même de BEAUCOUP d’éléments, avec chacun leur propre cycle de vie. Il devient vite compliqué de s’y retrouver donc.

Par cet exemple, je souhaite vous pointer la limite de cette représentation graphique pour bien comprendre et prendre en compte l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’un produit. Il va donc nous falloir un modèle pour répartir ces émissions dans les différentes étapes, mais aussi provenances.

Petite parenthèse, nous nous concentrons ici sur l’impact environnemental en terme d’émission de Gaz à Effet de Serre (GES), mais un axe non pris en compte actuellement, c’est celui de l’impact sur la biodiversité. Petit exemple pas des moins polémique : le nucléaire. Top niveau GES, moins glorieux sur certains impacts sur la biodiversité (réchauffement de fleuves par exemple). Mais c’est un autre sujet 😉

Reprenons donc avec nos émissions en Gaz à Effets de Serre sur le cycle de vie d’un produit.

Les trois scopes d’émission, ou comment manipuler une analyse du cycle de vie (ACV)

Rentrons dans le vif du sujet. N’oubliez pas, le but de cet article est seulement de vous permettre de déceler la communication mensongère sur les vertus écologiques, plus communément appelé « Greenwashing » (le mot à la mode que l’on met à toutes les sauces). Nous allons donc parler ici de scopes. Scope en anglais signifie portée. Les scopes d’émission vont donc définir des portées d’analyses, des catégories de regroupement des émissions. Sans plus attendre, regardons de plus près ces trois scopes. Premièrement les définitions, issues de l’ADEME (agence de la transition écologique : https://www.ademe.fr/). Les exemples pour bien comprendre juste après.
Pour plus de détail dans le contenu de ces scope, petit tableau récap de l’ADEME qui parle de lui même :

SCOPE 1

Les émissions directes de GES (Gaz à Effet de Serre)

Émissions directes provenant des installations fixes ou mobiles situées à l’intérieur du périmètre organisationnel, c’est-à-dire émissions provenant des sources détenues ou contrôlées par l’organisme.

SCOPE 2

Émissions indirectes associées à la production d’électricité, de chaleur ou de vapeur importée pour les activités de l’organisation.
En principale la consommation d’énergie électrique.

SCOPE 3

Autres émissions indirectes (TOUT L’IMPORTANT EST ICI !)
Les autres émissions indirectement produites par les activités de l’organisation qui ne sont pas comptabilisées au 2 mais qui sont liées à la chaîne de valeur complète, comme par exemple : l’achat de matières premières, de services ou autres produits, les déplacements des salariés, le transport amont et aval des marchandises, la gestions des déchets générés par les activités de l’organisme, l’utilisation et fin de vie des produits et services vendus, l’immobilisation des biens et équipements de productions…

Quelques exemples appliqués !

Maintenant des exemples pour illustrer. On est en France, donc go baguette de pain.

La baguette de pain

Vous achetez une baguette de pain auprès du boulanger du coin. Les émissions scope 1 liées à la baguette, c’est à dire toutes les émissions générées par l’activité de création de la baguette à l’intérieur de la boulangerie. Les émissions scope 2, ce sont les émissions liées à la consommation électrique de la boulangerie. Enfin le scope 3, c’est tout le reste : émissions des fournitures (toute la farine et autres éléments), de l’ensemble des transports de fournisseurs, aussi le transport de ceux qui vont acheter la baguette en voiture (0_0), en somme, pratiquement l’ensemble des émissions se situe ici.

La baguette c’est bien gentil, mais le plus amusant c’est de se pencher sur ceux qui communiquent sur le fameux dispositif de neutralité carbone. Prenons le cas d’une banque car c’est sympa !

La banque

On considérera les offres de financement d’une banque dans notre exemple. Le scope 1, assez léger, ce sont les émissions liées aux agences, aux véhicules individuels, ce sont les émissions directes. Le scope 2, c’est principalement les consommations électriques pour faire fonctionner les ordis, les accès, etc… Et le scope 3 ? Là ça devient sympa. Dans ce scope d’analyse, les investissements sont pris en compte, c’est à dire que tous les projets financés par la banque devront être comptabilisés dans leur bilan carbone. Pour n’en citer qu’un seul, sur lequel je vous laisserai questionner notre ami Google et vous faire votre avis : EACOP (East African Crude Oil Pipeline).

Pour en revenir à nos moutons, on trouvera dans le scope 3 de la banque une partie des émissions liées à ses financements, ce qui peut dans ce cas exemple peser très lourd… On trouvera aussi tous les achats de produits et de services, comme aux hébergeurs de données informatiques par exemple.

une entreprise du bâtiment

Allez un dernier exemple pour la route. Celui d’une belle entreprise du bâtiment. Prenons un schéma classique : Gros projet, géré par une entreprise principale, qui sous-traite donc l’ensemble des travaux et qui ne conserve que la gestion de projet à proprement parler (le fonctionnement de la majorité des grands projets).

On parle directement du cas pratique. Dans la construction, le gros de l’impact c’est les déchets, et c’est le béton armé (principallement). Donc, si notre entreprise ne fait pas de travaux, et achète les services d’autres entreprises pour les faire, alors les émissions liées à ces postes seront directement dans le scope 3 de l’entreprise générale.

Maintenant vous vous demandez peut-être pourquoi on insiste avec ces histoires de scope ? Ce qui compte n’est-ce pas simplement de bien prendre en compte les émissions ?

Pour vous répondre, un petit tableau de l’ADEME (encore?!?!) 

Qu’est-ce donc que ce tableau ? C’est une présentation des principales méthodes de calcul d’un bilan de Gaz à Effet de Serre.

L’idée n’est pas de reprendre dans le détail chacune de ces méthodes, c’est déjà très bien fait ICI. Mais simplement de vous pointer une seule chose.

Au yeux de la loi et normativement (méthode réglementaire et ISO14064-1), seuls les scope 1 et 2 sont pris en compte.

Ah…. Donc pour en revenir à nos exemples d’avant, on comprend normalement un peu mieux pourquoi, et surtout comment certaines entreprises arrivent à se targuer d’une mention « neutre en carbone depuis… » malgré des émissions scandaleuses au sein de leur scope 3 d’émissions. Au passage car je me dois de l’écrire : la neutralité carbone est une vaste fumisterie (sujet d’un article à venir).

Parce que j’aime bien faire des transitions avec des questions, je vous donne quelques pistes de réflexion :

  • Pourquoi ne pas prendre en compte les émissions du scope 3 dans les obligations légales ? (Notez que cette obligation ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 500 salariés…)
  • Est-il normal selon vous de se prétendre neutre en carbone quand les émissions liées au scope 3 ne sont pas comptabilisées ?
  • Vous voulez revenir à la thématique du bâtiment ? On y revient de suite.

BON À SAVOIR ! - Plutôt un récap !

Normalement à ce stade :

  • Vous comprenez qu’une analyse de cycle de vie doit couvrir les trois scopes pour les émissions carbones (c’est dans le nom, c’est cycle de vie, pas cycle partiel)
  • Vous connaissez à peu près les distinctions entre les trois scopes
  • Votre curiosité sur la véracité des communications « neutre en carbone » a été attisée (je l’espère), et bonus, vous avez maintenant l’outil de compréhension pour creuser.

L’analyse du Cycle de Vie (ACV) appliquée au bâtiment

Maintenant que vous avez les notions de ce qu’est une analyse du cycle de vie, regardons ce que cela donne appliqué au bâtiment.

Il existe des livres entiers sur le sujet, donc ne pas hésiter à creuser pour les plus intéressés.

Petit rappel de la définition : « L’analyse du cycle de vie (ACV) recense et quantifie, tout au long de la vie des produits, les flux physiques de matière et d’énergie associés aux activités humaines. »

Distinguons deux éléments :

  • L’ACV produit, c’est à dire concernant les ACV des produits et équipements du bâtiment.
  • L’ACV bâtiment, qui sont les impacts générés par l’ensemble du bâtiment

Et bien entendu l’ACV bâtiment n’est pas la somme des ACV produit. Il faut encore rajouter l’impact chantier du bâtiment qui lui n’est pas pris en compte dans les ACV produits.

Pour les ACV produits, il existe ce que l’on appelle des fiches FDES (Fiche de déclaration environnementale et sanitaire). Ce sont des fiches, directement établies par le fournisseur, qui sont une synthèse déclarative des impacts tout au long du cycle de vie du produit. A noter que les équipements dit « techniques » (elec, chauffage, ventilation,…) seront soumis à un PEP (profil environnemental produit) qui remplit le même rôle que la FDES.

Retenez que le fournisseur doit faire un ensemble de déclaration, les synthétiser dans une fiche et les soumettre dans une base de données, la base INIES. Les FDES déposées sont vérifiées par cet organisme. On pourra discuter du caractère déclaratif de ces fiches ou encore de qui et quoi INIES est constituée pour en pointer certaines limites mais ce n’est pas le sujet ici. Ce système a le mérite d’exister et permet l’accès à une base de donnée environnementales des produits.

Pour l’ACV bâtiment, on la découpera en quatre grandes catégories :

L’impact des matériaux utilisés dans la construction (les FDES)

L’impact des consommations d’énergies lors de l’exploitation du bâtiment

L’impact des consommations d’eaux lors de l’exploitation du bâtiment

L’impact des consommations de la phase chantier

Vous comprendrez donc que l’ACV d’un bâtiment n’est pas mince affaire, et il existe pour cela des logiciels spécialisés permettant d’en faire les analyses plus simplement.

Concrètement, ce qu’il faut retenir de cela c’est que diminuer l’impact environnement durant le cycle de vie d’un bâtiment, cela se joue autant dans la conception du projet, que dans l’organisation et la réalisation du chantier, que lors de la vie du bâtiment. Et c’est par anticipation et vision globale de ces phases que le projet sera orienté (ou non….) vers une diminution et optimisation des impacts du bâtiments.

Il est primordial de dépasser l’aspect pur normatif ou de labellisation (ah nos amis les labels) quand on cherche à diminuer l’impact d’un bâtiment. Les énergies vont se faire de plus en plus rares et couteuses, et le confort des usagers en est aujourd’hui trop dépendant.

Il faut rentrer dans une véritable logique d’écoconception, où la préoccupation des impacts ainsi que le confort des usagers sont au cœur des démarches. Tant que la rentabilité sera positionnée au-dessus de nos impacts, la transition vers cette logique de projet ne sera pas engagée, tout du moins pas autrement que par des contraintes normatives peu disruptives et qui seront toujours perçues comme des contraintes par les acteurs du secteur. Mais c’est un sujet que l’on creusera une autre fois..

L’engagement Frasil

La transparence. Un de nos engagement premier et que nous considérons un essentiel. Essentiel pour s’assurer pour vous du caractère réellement écologique de votre projet (si tant est que cela soit un de vos critères). Essentiel pour remplir notre rôle de conseil, vous permettre de faire les meilleurs choix pour votre projet, avec l’ensemble des informations nécessaires à votre disposition. Notre engagement, nous le considérons citoyen. Dans un secteur qui hurle face à la baisse des autorisations de permis de construire quand les rapports environnementaux nous somment de freiner l’artificialisation des sols, qui se plaint des contraintes de la RE2020 alors que cette dernière a enfin introduit l’impact généré par le matériel utilisé, nous choisissons d’orienter nos clients par tous les moyens possibles vers de l’écoconception quand c’est possible. Et ce n’est que par pédagogie et transparence que cela fonctionnera. Les acteurs œuvrant pour la transition sont de plus en plus nombreux, mais ce sont aussi malheureusement les plus petits, et donc moins bruyants… Notre engagement est donc de contribuer à la transition de notre secteur, en poussant pour des projets plus respectueux de notre environnement, avec une démarche basée sur l’inclusion, la pédagogie et surtout la transparence. Nous espérons que cette ouverture aux scope d’analyse aura attisé votre esprit critique face à la communication verte aujourd’hui omniprésente mais dans laquelle la raison a été oubliée. A bientôt pour continuer dans un nouvel article de la série….

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